L’Exode, c’est d’abord l’histoire et la naissance de la vocation de Moïse. Dans l’épisode du “buisson ardent”, Dieu révèle son nom à Moïse (3 14). C’est un tétragramme : YHVH. Il ne doit pas être prononcé, mais seulement épelé : Yod, Hé, Vav, Hé (ce qui a donné Yahvé). Sa signification première est : “je suis qui je suis”, ce que nous interprétons comme le sujet (je) transcendantal et irreprésentable, ce qui nous éloigne radicalement des idoles représentables et jusque là adorées par tous les peuples, y compris par le peuple hébreu dans ses moments de régression (Veau d’or), et nous oblige à une représentation abstraite et non plus visuelle. Mais le kabbaliste en propose une autre interprétation, étonnante et complémentaire. En effet, si le tétragramme sacré est écrit à la verticale en alphabet hébreu, il laisse apparaître un pictogramme représentant un être humain stylisé (Figure 1) et il prend alors toute sa signification : le nom de Dieu, c’est l’image de l’Homme, car Dieu a créé l’Homme à son image (Gn 1 26). Le je de Yahvé peut d’ailleurs être interprété non seulement comme un sujet transcendantal, mais aussi comme un sujet collectif représentant tous les Hommes, ce qui serait en accord avec le curieux pluriel Elohim utilisé dans la Bible pour désigner Dieu avant la révélation du mont Sinaï. Ainsi le judaïsme ne serait pas seulement la première religion monothéiste, mais la première religion à magnifier l’humanité, plutôt que le soleil par exemple, et à chercher Dieu en nous plutôt que dans une idole incertaine. Mais dans les langues germaniques, pourtant parlées par des chrétiens, subsiste encore un fond d’idolâtrie païenne dans la désignation du mot dimanche. Signifiant jour du Seigneur (dominus-> dominical) dans les langues latines, il reste inconsciemment jour du soleil en Europe du nord : Sonntag en allemand, Zondag en néerlandais, Sunday en anglais.
L’Exode, c’est aussi bien sûr la terrible litanie des plaies d’Egypte. La neuvième plaie notamment (les ténèbres) semble avoir pour origine une catastrophe géologique : « il y eut d’épaisses ténèbres sur tout le pays d’Egypte pendant trois jours » (10 22). L’éruption du volcan du mont Saint Helens dans l’Etat de Washington en 1980 s’accompagna aussi d’un pareil phénomène : le ciel au-dessus du nord-ouest des Etats-Unis devint noir de cendres. En 1991, l’éruption du Pinatubo aux Philippines entraîna le rejet sur Manille de l’équivalent de 71 millions de semi-remorques de cendres, qui ont formé un dépôt de 5 cm sur 4 000 km2. Or, une éruption cent fois plus puissante que celle du mont Saint Helens ou quatre fois plus que celle du Krakatoa dans l’archipel de la Sonde en 1883 (827 000 km2 recouverts de cendres) se produisit au cours du IIe millénaire avant notre ère sur l’île de Santorin (anc. Théra) dans la mer Egée. Elle provoqua la formation d’un énorme nuage de cendres au-dessus de l’île, qui ensevelit la ville d’Akrotiri, que sa population avait heureusement eu le temps de quitter suite à un séisme récent (contrairement à Pompéï, lors de l’éruption du Vésuve en 79 ap. J.-C., où le séisme précurseur s’était produit 17 ans avant et avait laissé le temps aux habitants de revenir), et que le vent dominant emporta vers le sud-est, c’est-à-dire vers l’Egypte.
On estime que la colonne éruptive devait alors s’élever jusqu’à 65 kilomètres au-dessus du niveau de la mer (on a calculé que celle du volcan Tambora qui explosa sur l’île de Sumbawa le 10 avril 1815 culminait à 44 km de haut) et la nuée ardente devait ainsi être visible jusqu’en Egypte, à 800 kilomètres de là (Figure 2) : « Yahvé marchait avec eux, le jour dans une colonne de nuée pour leur indiquer la route, et la nuit dans une colonne de feu pour les éclairer » (13 21). Lorsque le volcan explosa, l’île de Santorin qui culminait à plus de 1 000 mètres au-dessus de la mer s’effondra dans les eaux de la mer Egée, ne laissant subsister qu’un anneau incomplet entourant une caldeira de 390 mètres de profondeur, envahie aussitôt par la mer. En comparaison, la fosse marine qui a pris la place du volcan Krakatoa est profonde de 250 mètres. Le vide laissé par cet effondrement entraîna d’abord un reflux de la mer sur les côtes de la Méditerranée, sensible jusqu’en Egypte. Or, les Israélites que Pharaon avait autorisés à sortir d’Egypte après la dixième plaie, campaient alors devant la mer des Roseaux, un lac salé bordé de roseaux entre le golfe de Suez et la Méditerranée. Lorsque Moïse vit les eaux refluer, il y vit un signe de Dieu et engagea les 600 000 Israélites dans la mer asséchée : « Yahvé refoula la mer (14 21)... Les Israélites pénétrèrent à pied sec au milieu de la mer (14 22) ». Les 600 chars de Pharaon s’engagèrent à leur poursuite : « Les Egyptiens les poursuivirent, et tous les chevaux de Pharaon, ses chars et ses cavaliers pénétrèrent à leur suite au milieu de la mer » (14 23). Les chars ne tardèrent pas à s’y enliser : « Yahvé (...) enraya les roues de leurs chars qui n’avançaient plus qu’à grand-peine » (14 25). Pendant ce temps, une vague monstrueuse revenait de Santorin vers les côtes à près de 650 km/h, frappant d’abord la Crète et la civilisation minœnne, déferlant par le détroit de Kasos et atteignant la côte égyptienne en moins de deux heures : « Les eaux refluèrent et recouvrirent les chars et les cavaliers de Pharaon, qui avaient pénétré derrière eux dans la mer » (14 28). Au passage, la destruction de la Crète nous permet de situer l’évènement, car la chute de Cnossos est située par les archéologues vers
- 1 400. On peut dire aussi que, localement, l’explosion du Santorin va ouvrir la voie à la guerre de Troie qui verra vers - 1200 la destruction de la ville de Priam, autre évènement très important qui marque l’avènement de la civilisation grecque et fera lui aussi l’objet de traces écrites (dans l’Iliade) si bien exploitées par Schliemann.
De la pierre ponce, produit volcanique qui flotte sur les eaux, a été retrouvée sur la côte nord de la Crète à soixante mètres au-dessus du niveau de la mer. En comparaison, l’effondrement du volcan Krakatoa, en 1883, provoqua une vague de trente-six mètres de haut. Le même phénomène fut observé lors du séisme de Lisbonne en 1755. Pour fuir les maisons en train de s’écrouler, la population se rassembla le long du port où elle se crut en sécurité. Mais la mer, qui s’était retirée, revint sous la forme d’une vague de vingt mètres de haut qui submergea les quais noirs de monde et noya les habitants (Tableau 1).
Le “Miracle de la mer”, qui est à l’origine de toute la civilisation judéo-chrétienne et est célébré à la Fête de Pâques (qui commémore en fait la 10e plaie, qui elle-même précède la sortie d’Égypte), est donc dû une fois de plus à un évènement géologique providentiel (même s’il détruit au passage la civilisation minœnne, car la Crète est à 140 km seulement de Santorin), qui rappelle l’astéroïde de Chicxulub (- 65 MA) ou l’effondrement de la vallée du Rift (- 7 MA) en ce qui concerne l’évolution biologique qui a conduit la vie jusqu’à l’Homme. Si le miracle est “expliqué”, il nous paraît encore miraculeux (pour paraphraser Jacques Monod), car si le Santorin avait explosé un peu plus tôt, Moïse n’aurait pas été poussé à traverser la mer des Roseaux par les chars de Pharaon lancés à sa poursuite, et si le Santorin avait explosé un peu plus tard, Moïse aurait été rattrapé par les chars de Pharaon et son peuple ramené en Egypte. Cet évènement aux conséquences culturelles incalculables, qui va préserver la deuxième tentative de monothéisme (après la tentative initiale du pharaon Akhénaton autour du dieu solaire) et aboutir quelques années plus tard aux Tables de la Loi (codification de la conscience morale et introduction d’un surmoi fort), montre à nouveau à quel point la Terre est vivante et comment, de coïncidence en coïncidence miraculeuses, elle dirige ou plutôt corrige l’évolution de la vie à sa surface dans le sens du progrès biologique et culturel. Un autre événement géoclimatique, qui rappelle la septième et la neuvième plaies d’Egypte, va d’ailleurs parachever l’évolution culturelle de l’humanité. Il s’est passé en France le 13 juillet 1788. C’est le terrible orage de grêle qui a dévasté un large territoire de la frontière nord de la France jusqu’en Ile de France. Il détruisit sur pied les récoltes de blé, déjà éprouvées par l’été anormalement froid de 1786 (dû au nuage de cendres étalé dans le ciel d’une large partie de l’hémisphère nord par l’éruption du volcan islandais Laki le 8 juin 1783) et l’été extraordinairement humide de 1787, et renchérit le prix du pain de façon exorbitante. Le peuple affamé se révolta et prit la Bastille un an plus tard, le 14 juillet 1789. En cinq heures, une monarchie millénaire s’effondrait et commençait la grande contagion démocratique qui, après quelques soubresauts en France même, allait gagner l’ensemble du monde, marquant à travers la Déclaration des droits de l’Homme une révolution historique dans les relations humaines au sein de la société.
L’Exode, c’est encore et enfin la révélation de la nature radiative de Yahvé. D’abord avec le buisson ardent : « le buisson était embrasé mais le buisson ne se consumait pas » (3 2). Il s’agit donc d’une émission de lumière froide (luminescence) et non pas de lumière chaude (incandescence). Le radium est luminescent et émet un rayonnement intensément radioactif. Ensuite et toujours au Sinaï, Yahvé refuse de montrer sa « gloire » à Moïse : « tu ne peux pas voir ma face, car l’homme ne peut me voir et vivre. (…) tu verras mon dos ; mais ma face, on ne peut la voir » (33 20, 23). Une source intensément radioactive peut être vue de dos, mais pas de face, c’est-à-dire exposé au rayonnement, sauf au cabinet du radiologue où le rayonnement est très bref ou en radiothérapie où l’intensité n’est pas léthale. On notera que le radiologue ou le manipulateur voit la source de dos, protégé par précaution d’un tablier en plomb, et que Marie Curie est morte d’avoir regardé trop longtemps du radium. Mais Moïse est resté probablement trop longtemps (quarante jours) dans la montagne au contact de Yahvé car, en descendant de la montagne, « la peau de son visage rayonnait », au point qu’il dut mettre un voile sur son visage (illustration) pour ne pas effrayer les Israélites. Il était devenu lui-même luminescent (ou phosphorescent).
La fabrication de l’arche d’alliance elle aussi est intéressante. Le coffre est bien trop grand pour abriter les deux tables de la Loi, il ressemble à une caisse de résonance. Il est couvert d’un propitiatoire aux extrémités duquel sont fixés deux chérubins aux ailes déployées vers l’intérieur, comme les pavillons d’un gramophone (ou phonographe). Et Yahvé d’ajouter : « C’est de sur le propitiatoire, d’entre les deux chérubins qui sont sur l’arche (…), que je te donnerai mes ordres » (25 22). On imagine Moïse, caché derrière le rideau qui isole le Saint des Saints du reste de la Tente du Rendez-vous, la tête penchée sur le propitiatoire, enveloppée par les ailes des chérubins, écoutant la voix de son maître… En tout cas le système marchait, était démontable, nomade et suivait, ou précédait les Israélites dans leurs pérégrinations à travers le désert. Il ne marchait pas seulement en mode récepteur, mais aussi en mode émetteur, puisque précédé par sept trompes autour des murs de Jéricho (illustration), il amplifia tellement leurs (infra-)sons et le cri de guerre des Israélites que « le rempart s’écroula sur place » (Jos 6 20) !
Le système était complété par un bassin de bronze rempli d’eau, dont l’importance devait être extrême puisqu’il est dit que lorsque les officiants «entreront dans la Tente du Rendez-vous, ils se laveront avec de l’eau afin de ne pas mourir » (Ex 30 20). Le bassin devint la « mer de bronze » dans le temple de Salomon (illustrations), une cuve de 2,20 mètres de haut pouvant contenir 45 tonnes d’eau, qui ressemblait plus à la piscine d’une centrale nucléaire qu’à un simple bassin d’ablutions. Il est vrai qu’entre temps, l’arche d’alliance avait provoqué des tumeurs chez les Philistins qui s’en étaient emparés et des sextuplés chez les femmes de la famille d’Obed-Edom, où elle avait fini par échouer car le roi David la considérait comme trop dangereuse. On en déduit que l’arche ou son contenu étaient aussi radioactifs que la « gloire » de Yahvé ou Moïse quand il redescendit de la montagne et on s’interroge sur le matériau des tables de la Loi (radium ? uranium ?). Enfin, la conception du candélabre (Ex 25 31) à sept branches, dont six sont symétriques, semble montrer avant l’heure une représentation du découplage (Figure 3) des forces gravitationnelle (1e et 2e branches), nucléaires forte (3e et 4e branches) et faible (5e et 6e branches) et électromagnétique (7e branche) à partir du Big Bang (base du candélabre). L’objet du candélabre ou « Ménorah » est de transmettre une lumière perpétuelle, c’est-à-dire un rayonnement électromagnétique ou une luminescence radioactive, qui symbolise la présence de Dieu : «Yahvé est ma lumière et mon salut », disait le psalmiste (Ps 27 1).