Du principe anthropique
à l'homme

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PRÉMONITION ET RELATIVITÉ RESTREINTE ou le Syndrome de Stress Pré-Traumatique

Jean-Bruno MERIC
Médecin Psychiatre

Le Global Consciousness Project, créé en 1998 par le Princeton Engineering Anomalies Research de l’université Princeton (USA), a démontré qu’un réseau de générateurs numériques aléatoires présent à la fin de l’année 2002 en soixante-quinze points du globe (dont 2 en France) était influencé par de puissantes émotions collectives. Les fluctuations enregistrées sur ces machines n’ont bien entendu jamais été aussi fortes que lors de l’attaque terroriste fortement médiatisée des deux tours de Manhattan, à ceci près que les fluctuations ont commencé le 10 septembre 2002, c’est-à-dire la veille de l’évènement ! Le même phénomène avait été observé en 1997 en laboratoire à l’université d’Utrecht (Pays-Bas) par les psychologues Bierman et Radin : la conductance électrique cutanée due à la transpiration augmentait avant la présentation d’images émotionnelles violentes et pas seulement après comme on pouvait normalement s’y attendre (illustration), donnant là un fort indice de perception prémonitoire. Tout se passe donc comme si l’évolution avait mis en place un système physiologique avertissant l’Homme (ou l’animal) d’un danger imminent, permettant aux sujets qui tiennent compte de ce message (ou pressentiment) de se soustraire au danger ou d’y faire face en état d’alerte, ce qui constitue un avantage adaptatif évident expliquant la sélection d’un tel mécanisme. Le psychiatre londonien Barker a recueilli en 1966, juste après la catastrophe d’Aberfan (Pays de Galles), 24 rêves prémonitoires de Britanniques qui dans un rayon de 150 km ont pressenti l’effondrement du terril sur l’école d’Aberfan, qui causa la mort de 116 enfants. En 1956, l’Américain Cox avait eu l’idée de demander à différentes compagnies de chemins de fer de lister les passagers de chaque train accidenté le jour de l’accident, puis les 6 jours précédents, puis 14 jours et 28 jours avant. Ses recherches ont montré que statistiquement le nombre de passagers le jour de l’accident était inférieur aux jours faisant office de comparaison. Comme si certains passagers plus sensibles que d’autres ou tenant compte d’une précognition renonçaient à ce type de transport ou « rataient » simplement leur train (acte manqué) ce jour-là. En avril 1898, soit 14 ans avant le naufrage du Titanic (qui coula le 15 avril 1912), l’écrivain américain Morgan Robertson décrit le naufrage du Titan (The Wreck or the Titan), un paquebot britannique luxueux, gigantesque (243 m et 2 000 passagers, contre 269 m et 2 230 passagers pour le Titanic), « pratiquement insubmersible » grâce à ses 19 compartiments étanches (contre 16 pour le Titanic) et donc insuffisamment pourvu en canots de sauvetage (24 contre 20 pour le Titanic), qui sombre sur la ligne de New York, dans l’Atlantique nord, après avoir heurté un iceberg par tribord et est secouru, dernière coïncidence, par un navire faisant route vers Gibraltar. Robertson prétendait écrire sous l’empire d’un « partenaire d’écriture astrale ».

En séméiologie cardiaque, le rêve prémonitoire fait partie du prodrome de la crise d’angine de poitrine et permet au médecin avisé, en déclenchant des examens paracliniques, de diagnostiquer le mal en préparation et de sauver des vies. L’épouse de Jules César, Calpurnia, rêva dans la nuit qui précéda les Ides de Mars que le faîte de leur maison s’écroulait et que son mari était percé de coups entre ses bras (d’après Suétone), mais César n’en tint pas compte et se rendit au Sénat où il tomba percé de 23 coups de poignard. Plus près de nous, la femme d’Eric Tabarly a pressenti la disparition du navigateur en 1998 et supplié un ami de l’accompagner en mer, ce qui n’a pas changé sa destinée (il fut emporté par une vague). Dans la Grèce antique, Cassandre ou la pythie de Delphes entraient en transe pour deviner le futur (Cassandre annonça la destruction de Troie, mais personne ne la crut). Enfin, il est d’observation répétée que les animaux pressentent les catastrophes naturelles, quittant en masse le lieu d’un prochain séisme alors que les sismographes n’enregistrent encore rien, ou fuyant un naufrage avant qu’il ne se produise (les rats quittent le navire). On pourrait presque parler dans tous ces cas de syndrome de stress pré-traumatique, ce qui a priori est un non sens.

L’explication de la prémonition, donnée par la psychiatrie fractale, fait appel à la notion métaphysique de voyage « astral », c’est-à-dire à la capacité de notre double électromagnétique, et notamment de la magnétosphère cérébrale abondamment décrite dans notre livre publié en mars 2008 (Du Principe anthropique à l’Homme), de s’éloigner du corps physique sans que nous en ayons clairement conscience (excepté certains yogis surentraînés). Ce double se comporte un peu comme un éclaireur, mais ne peut lui non plus inverser la flèche du temps. L’astuce trouvée par l’évolution est ailleurs : ce double lumineux retenu par le seul cordon hippocampique (cf. l’ouvrage cité plus haut) se déplace par définition à une vitesse proche de celle de la lumière. De ce fait, tout se passe comme dans le paradoxe des jumeaux de Langevin, où le second jumeau s’éloigne lui aussi du premier à une vitesse proche de celle de la lumière, qui s’appuie sur la dilatation du temps prévue dans ce cas par la relativité restreinte (Einstein). Si l’on revient sur le déroulement de l’expérience de Bierman, on peut dire alors que si le voyage astral commence à l’instant 0, le double électromagnétique voyageant dans l’espace à une vitesse proche de celle de la lumière rejoint la courbe de conductance émotionnelle à l’instant 3. En effet, s’il avait embarqué une horloge avec lui dans son voyage, elle indiquerait qu’il n’a vieilli que de 3 secondes, compte tenu de sa très grande vitesse et selon la célèbre formule : T2 = T1 x √ (1 – V2/C2). Mais pendant ce temps, l’horloge accrochée au mur du laboratoire (c’est-à-dire celle du sujet original), qui lui n’a pas bougé de son siège au cours de l’expérience, indique qu’il a vieilli de 8 secondes et donc perçu l’image émotionnelle apparue sur l’écran. Comme le jumeau voyageur de Langevin, le double voyageur du sujet d’expérience de Bierman a fait un saut dans le futur (8 secondes en n’en vivant que 3), mais pas sans retour ! Car à la différence des jumeaux de Langevin, il s’agit ici de la même et unique personne et que l’original physique est déjà passé à l’instant 3 et a pu y ressentir l’émotion, atténuée parce qu’elle est inconsciente (1er pic), éprouvée par son double voyageur lorsqu’il rentre (plus jeune de 5 secondes) de son voyage « astral » et découvre à cet instant l’émotion ressentie par le sujet original : c’est l’explication du pressentiment ! Le double voyageur n’est donc pas un éclaireur spatial comme on aurait pu le penser, mais bien plutôt un éclaireur temporel, qui d’une façon astucieuse et efficace a pu jouer avec la flèche du temps sans pour autant la renverser (ce qui reste impossible). Le voyage « astral », à côté, n’est que du tourisme spatial. L’éclaireur temporel, lui, fonctionne au quotidien, est encore plus fantastique, totalement spontané et bien plus utile puisque, s’il est entendu, il informe son hôte du danger qui le guette en lui accordant une prescience floue mais insistante de l’évènement à venir.

On peut même avancer que l’éclaireur temporel a une activité permanente, sillonnant sans cesse l’espace-temps au devant du sujet à la recherche d’un danger à lui signaler. Comme l’éclaireur indien d’un détachement de cavalerie US pendant la Conquête de l’Ouest , il explore discrètement le terrain en avant-garde pour y débusquer l’ennemi avant qu’il ne fonde sur la troupe et l’anéantisse par surprise. L’éclaireur temporel est un « débusqueur » de danger : dès qu’il en a détecté un, il revient au triple galop (à la vitesse de la lumière) en avertir l’officier commandant le détachement. Il a du mal à se faire comprendre (l’inconscient n’a pas accès au langage), mais il montre clairement son inquiétude. Il existe donc un destin de base individuel et un destin modifié. Le destin de base de notre détachement de cavalerie est de se faire surprendre et massacrer par les Sioux placés en embuscade. Son destin modifié est de contourner le parti hostile ou de rebrousser chemin. Pour revenir à notre couple « officier + éclaireur », réunis en une seule personne, cette personne vit un syndrome de stress pré-traumatique ou phobie prémonitoire, qui l’avertit d’un danger imminent. Elle est alors placée devant un choix :

- l’option A est l’option fataliste, c’est le fatum des Romains ou le mektoub (c’est écrit) des Arabes, le destin de base ne sera pas modifié ;

- l’option B est la conduite d’évitement, classique dans la phobie, le destin sera modifié, à condition que la conduite d’évitement ne soit pas contrariée par des obligations morales ou sociales.

Le problème qui se pose alors, c’est que même si le destin de base est modifié, il a tout de même été détecté par l’éclaireur temporel et ressenti partiellement par le sujet : bref, il s’est réellement passé. La question est alors de savoir si l’option B efface ou écrase le destin initial (le destin reste linéaire) ou si celui-ci se maintient malgré la conduite d’évitement réussie et continue lui aussi à être vécu (le destin devient fourchu). Dans ce cas, le sujet vivrait dans deux mondes parallèles, mais n’aurait conscience que d’un seul. Il est plus probable que la conscience valide la branche de la fourche finalement choisie, la seule qui sera mémorisée, et que l’autre branche avorte dès qu’elle a été aperçue et évitée. Ainsi, si César n’avait pas pris le rêve de Calpurnia à la légère, il ne se serait pas rendu au Sénat et nous n’aurions jamais su que des conspirateurs, dont son propre fils Brutus, l’y attendaient pour l’assassiner.

Lorsque la prémonition est ressentie comme ici par le conjoint, un parent, voire un tiers éloigné, elle ne l’informe que sur sa propre émotion ressentie lors du décès de l’être cher ou du décès en masse d’inconnus, et se manifeste classiquement par un rêve intrusif (comme dans le syndrome de stress post-traumatique), qu’il ne faut pas confondre avec un simple cauchemar. Il réveille le plus souvent le dormeur, afin qu’il puisse en prendre conscience et le mémoriser, d’autant plus facilement qu’il est teinté d’une forte émotion. A lui ensuite d’apprécier sa valeur informative et de tenir compte ou non de l’avertissement qu’il véhicule. Le rêve est là aussi la voie royale de communication de l’inconscient avec la conscience, mais l’acte manqué peut le compléter utilement : rater son avion (détourné ou crashé) ou oublier de se lever pour aller au bureau (dans une des tours jumelles) le matin du 11 septembre 2002 a pu sauver quelques vies. La prémonition est une astuce trouvée par l’évolution pour faire une incursion dans le futur à court terme, repérer les émotions majeures (danger de mort) qui éventuellement s’y produisent, les ressentir paradoxalement avant qu’elles ne se produisent et favoriser ainsi la survie de l’individu. On peut même dire que l’évolution a appliqué la relativité restreinte avant qu’Einstein ne l’ait découverte. Mais la prémonition entre souvent en concurrence chez l’Homme avec une faculté consciente et spécifique de l’espèce, la capacité d’anticipation liée au lobe préfrontal, qui permet de prévoir logiquement et rationnellement un avenir proche ou lointain à partir des éléments connus du présent. Mais le lobe préfrontal, comme la météo, se trompe souvent dans ses prévisions : l’anticipation est rationnelle mais spéculative, alors que la prémonition est irrationnelle mais fiable (comme l’instinct chez les animaux). La première garde cependant un prestige considérable car elle est spécifique de l’espèce dominante du règne animal et permet de planifier les actes sociaux. Le risque est alors grand de faire la part trop belle à l’anticipation et de rejeter le pressentiment comme une superstition sans fondement, alors qu’ils sont en réalité complémentaires. Ce qui induit une véritable schizophrénie culturelle chez l’Homme, qui comme tout trouble psychotique est néfaste pour sa survie.

Du principe anthropique à l'homme

Jean Bruno MÉRIC