Du principe anthropique
à l'homme

Retour

UNE THEORIE ELECTROMAGNETIQUE DE LA CONSCIENCE

Jean-Bruno MERIC
Médecin Psychiatre
Qu’est-ce que la conscience et quel est son devenir à travers la physiopathologie de la maladie d’Alzheimer et des expériences de mort imminente ?

Première partie

Dans mon dernier ouvrage (Méric 1999), je me suis inspiré du « principe anthropique géologique » (prolongation à l’échelon local du principe anthropique cosmologique des astrophysiciens) pour me demander si la magnétosphère terrestre ne reproduisait pas la forme (globe) et la structure (noyau en fer) de la planète ainsi que sa fonction électromagnétique (courants électriques, champ magnétique) au sein d’objets biologiques apparus à sa surface au cours de l’évolution. Le candidat tout désigné par cette démarche originale mais, nous allons le voir, fructueuse est évidemment le cerveau des mammifères et notamment le cerveau humain. En effet, les hémisphères cérébraux ont approximativement la forme des hémisphères terrestres et les influx nerveux sont comparables à des courants électriques. Restent à trouver les structures anatomiques qui à l’intérieur du cerveau peuvent créer un champ magnétique bipolaire, c’est-à-dire trouver un électro-aimant naturel. L’observation guidée par le principe anthropique va nous permettre de revisiter des structures cérébrales connues sous un angle physiologique nouveau. Ainsi, les deux circuits de Papez, ou circuits hippocampo-mamillo-thalamo-cingulaires, nous apparaissent alors comme deux solénoïdes embobinés dans un plan sagittal, réalisant à peu près le schéma des bobines d’Helmholtz, créant et concentrant un champ magnétique à l’intérieur d’eux, perpendiculaire à leur plan, avec son pôle nord situé dans la région temporale gauche. En enroulant ces bobines conductrices autour d’un noyau en fer, on obtiendrait un électro-aimant et l’effet magnétique de l’influx nerveux pourrait être multiplié par mille.

Mais où trouver du fer dans le cerveau et particulièrement dans cette région de l’archipallium du néencéphale ? La solution ne saute pas tout de suite aux yeux, car il faut rapprocher des plans vasculaires et des plans nerveux qui d’habitude sont analysés séparément. Mais si l’on suit le très curieux trajet de l’artère carotide interne qui, pour pénétrer dans le crâne, creuse une longue galerie dans l’os du rocher, le long de l’oreille interne (au risque de l’assourdir par ses battements), puis rejoint le polygone de Willis où elle se poursuit par l’artère cérébrale moyenne (ou sylvienne), qui repart aussitôt vers l’extérieur en suivant le bord interne du crâne… on s’aperçoit que ce trajet artériel tortueux passe au milieu de la partie inférieure du circuit de Papez ! Or, que transporte une artère ? Du sang bien sûr, qui lui-même contient des globules rouges, où est synthétisée l’hémoglobine, constituée par l’union de la globine à quatre molécules d’hème, contenant chacune un atome de fer. Voilà le fer que nous cherchions : il ne s’agit pas d’un barreau de fer ordinaire, mais de fer circulant qui permet à la nature à la fois d’oxygéner le cerveau (l’hémoglobine transporte l’oxygène dans les tissus) et de doper le champ magnétique créé par les circuits de Papez. Circuits qui font partie du grand lobe limbique décrit par Broca, du latin limbus, « bordure » (du diencéphale autour du 3e ventricule), terme avancé lui aussi par Willis dès 1664 : rendons donc hommage à ce grand anatomiste. Ce champ magnétique est probablement limité, malgré l’absence de « vent solaire », à une certaine partie de l’espace entourant la tête, qu’on appellera magnétosphère cérébrale et qui, bien que très faible, pourrait être détecté par les SQUID supraconducteurs utilisés en magnétoencéphalographie (Lounasmaa 1990). La difficulté technique vient du fait que les champs magnétiques émis par le cerveau sont de l’ordre du milliardième de gauss, donc très difficiles à détecter, alors que les circuits de Papez ont pour tâche de détecter le champ magnétique terrestre, qui lui est de 0,5 gauss, donc nécessitant beaucoup moins de sensibilité, ce qui le met à la portée d’un dispositif naturel.

La magnétosphère cérébrale diffère de la magnétosphère terrestre non seulement par l’échelle, mais aussi parce qu’elle est mobile alors que les méridiens géomagnétiques sont fixes, , au moins à court terme. Cette propriété suggère que les méridiens magnétiques terrestres peuvent servir de repères aux circuits de Papez, au cours des nombreux déplacements horizontaux de la tête et du corps (marche, conduite automobile). En effet, ces déplacements créent un mouvement relatif entre le flux magnétique terrestre et le bobinage conducteur cérébral. Ils doivent donc générer un courant électrique induit dans ce circuit fermé, dont la polarité dépendra de la direction du flux et de son sens de variation. Les synapses neuronales étant de nature chimique et non pas électrique, elles ne laissent passer le courant (l’influx nerveux) que dans un seul sens : du bouton présynaptique vers le bouton postsynaptique. Il ne pourra donc s’agir de courant alternatif, mais plutôt d’une accélération ou d’un ralentissement des trains d’onde de dépolarisation, générés dans les circuits de Papez par les neurones pyramidaux des hippocampes. Un peu comme cela se passe dans l’appareil vestibulaire de l’oreille interne, où les cellules ciliées génèrent des salves électriques dans le nerf vestibulaire, dont la fréquence augmente lorsque les cils se courbent en direction du kinocil ou diminue lorsqu’ils s’inclinent dans le sens contraire (De Frahan 1991).

Le résultat est que les circuits de Papez sont renseignés en permanence sur les orientations successives du corps au cours de ses déplacements, par rapport à la direction du Pôle Nord magnétique. C’est ce qu’on appelle le sens de l’orientation (dans l’espace, par opposition au temps). Avec l’appareil vestibulaire de l’oreille interne (canaux semi-circulaires), qui apporte le sens de l’équilibre, et leurs projections respectives dans le cortex du lobe temporal, ils constituent la centrale de navigation du cerveau humain. Les circuits de Papez ne sont donc pas seulement les circuits des émotions (description initiale de Papez : A proposed mechanism of emotion, Arch Neurol Psych, 1937), ils sont aussi deux « antennes » enfouies dans les hémisphères cérébraux captant et mesurant les mouvements relatifs du champ magnétique terrestre par rapport à eux. Comme les organes vestibulaires, ils travaillent en permanence, de façon automatique et inconsciente, avec la même « élégance silencieuse », ce qui explique que l’homme ne se rende pas compte de l’existence (interne) et de la fonction physiologique des canaux semi-circulaires et des circuits de Papez. Il en est autrement des organes des sens externes (peau, langue, nez, yeux, oreilles) et de leurs sensorialités bien connues : toucher, goût, odorat, vue, ouïe. Il existerait donc sept systèmes sensoriels à travers lesquels un individu, qu’il s’agisse d’un homme ou d’un animal, peut percevoir le monde et être renseigné sur sa position dans l’environnement : cinq sens conscients et deux sens inconscients (l’équilibre et l’orientation spatiale).

Les circuits de Papez ne sont pas seulement sensibles à leurs déplacements par rapport au champ magnétique terrestre, ils produisent  comme n’importe quel électro-aimant un champ magnétique, beaucoup plus faible, que nous avons convenu d’appeler magnétosphère cérébrale et qui pourrait expliquer le rôle essentiel joué par ces circuits dans les processus de mémorisation. D’une part, aucune localisation cérébrale n’a pu être mise en évidence pour expliquer le phénomène de stockage des souvenirs (Lazorthes 1982), excepté la stimulation électrique de la pointe du lobe temporal, dans la région uncinée (circonvolution parahippocampique), et uniquement chez le sujet épileptique (Penfield 1975). D’autre part, la destruction bilatérale des circuits de Papez dans les démences dégénératives (lésions neuro-fibrillaires de la maladie d’Alzheimer) et dans les avitaminoses B1 (démyélinisation observée dans le béri-béri et  le syndrome de Korsakoff) entraîne une amnésie antéro-rétrograde soumise à la loi de Ribot : oubli à mesure (amnésie de fixation ou antérograde) et effacement progressif des souvenirs d’avant en arrière (amnésie rétrograde vers le passé, les souvenirs de l’enfance disparaissant les derniers). Le défaut de maturation des circuits de Papez, à l’autre extrémité de la vie, entraîne l’amnésie de la petite enfance qui pourrait être comparée à une sorte de « démence puérile », d’excellent pronostic heureusement. Les troubles de l’orientation dans l’espace (le petit enfant se perd facilement) y sont également retrouvés, comme chez le vieillard. Il se pourrait donc que les circuits de Papez, alimentés par leurs entrées sensorielles (son du cortex temporal et images du cortex occipital), modulées elles-mêmes par les émotions qu’elles suscitent au sein du système limbique (siège anatomique de ces circuits, que Papez vouait initialement aux émotions, avant d’être impliqués dans les mécanismes mnésiques), les enregistrent comme un magnétoscope sur le champ magnétique qu’ils produisent en permanence grâce à l’activité électrique des hippocampes. Tout se passe comme si une tête unique d’enregistrement et de lecture (l’électro-aimant constitué par le circuit de Papez et son noyau de fer circulant) enregistrait (mémoire de fixation) et reproduisait (mémoire d’évocation) les souvenirs stockés dans la magnétosphère cérébrale.

La pathologie démentielle nous apprend que l’arrêt de la fixation des souvenirs récents entraîne non seulement des rabâchages incessants (le sujet répète ce qu’il vient de dire, car il l’oublie à mesure) et une désorientation dans le temps (le sujet ne fixe plus l’écoulement du temps), mais aussi l’évocation rétrograde des souvenirs anciens. Ils peuvent parfois en imposer, par leur précision et leur netteté, pour une hypermnésie d’évocation alors qu’il s’agit en réalité d’ecmnésies, où le sujet revit de façon actuelle et donc anachronique des souvenirs de son passé. Tout se passe alors comme si la tête d’enregistrement de notre « magnétoscope » était incapable de fixer de nouveaux souvenirs, surtout à un âge avancé où la quantité d’informations stockée est déjà impressionnante (sénescence), mais aussi pour des raisons pathologiques surajoutées (sénilité), et qu’alors la « bande magnétique » contenue dans la magnétosphère cérébrale se mettait à défiler à l’envers et repassait lentement devant la tête de lecture (d’où l’évocation spontanée rétrograde), un peu comme un ressort se détend lorsque la pression exercée sur lui (ici la pression de fixation des souvenirs récents) s’affaiblit. L’absence de tête d’effacement suggère que les souvenirs sont relus (et donc revécus) mais pas effacés, même s’ils ne sont plus disponibles, et subissent le sort de la magnétosphère cérébrale dans son ensemble.

Le stockage de la mémoire à l’extérieur du cerveau et même de la boîte crânienne n’est pas une « première » à proprement parler en neurophysiologie, puisque l’onde de dépolarisation que constitue l’influx nerveux circule déjà à l’extérieur de la gaine de Schwann (manchon isolant de myéline entourant l’axone des neurones), en sautant d’un noeud de Ranvier à l’autre (Laget 1974), et non à l’intérieur, comme le courant qui circule à l’intérieur de l’isolant d’un fil électrique. Le problème que pose ce type de stockage, outre l’avantage d’augmenter considérablement la quantité d’informations enregistrées (aire de stockage), est celui du support de stockage : le champ magnétique produit par un électro-aimant naturel peut-il être modulé en permanence de manière à y fixer des informations ? Autrement dit, la mémoire animale est-elle une mémoire magnétique et, pour faire la comparaison avec le disque dur d’un micro-ordinateur, la magnétosphère cérébrale est-elle le “disque mou” de l’ordinateur cérébral ? Le disque dur intracrânien (réseaux neuronaux) étant le support de la mémoire procédurale (apprentissages), par opposition à la mémoire déclarative (souvenirs). Cette hypothèse physiologique semble confirmée par l’évolution même de la technologie humaine, qui a choisi majoritairement de stocker l’information sur des supports magnétiques puisqu’en 1999, sur plus d’un milliard de gigaoctets d’informations brutes produites par an, 80 % étaient stockées sous forme magnétique selon la School of Information Management and Systems de Berkeley.

On notera cependant une différence essentielle entre le cerveau humain et l’ordinateur : l’ordinateur est d’utilisation discontinue et a besoin d’enregistrer ses opérations sur son disque dur entre deux coupures d’alimentation. Le cerveau humain, lui, a une activité électrique continue (même pendant le sommeil) et produit donc un champ magnétique permanent (sa magnétosphère), sur lequel il peut inscrire des informations en permanence (les souvenirs) qu’il ne peut perdre vu l’absence garantie de coupure d’alimentation : les hippocampes restent même « allumés » pendant 48 à 72 heures en cas de « panne générale » due à l’anoxie (une « réserve de pile », en quelque sorte). Souvenirs qui ne peuvent être effacés non plus par un champ magnétique extérieur puissant, de plusieurs teslas par exemple comme celui délivré par une IRM cérébrale, car le « panorama magnétique » des souvenirs produit par les circuits de Papez ne repose pas sur un support magnétisé et donc fragile (comme le disque dur de votre ordinateur qui peut être effacé par la foudre ou dans la salle d’IRM), mais est produit et restructuré en permanence par l’activité électrique des hippocampes. Je dis « panorama magnétique », car il faut comprendre la magnétosphère cérébrale non comme un film qui passe à la télévision et qu’il faut enregistrer sur son magnétoscope (c’est-à-dire sur le support de la bande magnétique, qui elle non plus ne survivrait pas à la salle d’IRM) pour en garder le souvenir, mais comme un panorama, c’est-à-dire une image unique sans cesse remaniée et complexifiée par des ajouts quotidiens. C’est d’ailleurs ce panorama de l’existence qui est revisionné instantanément à l’approche de la mort, d’après les témoignages nombreux et concordants de ceux qui ont survécu à ce type d’expérience. La magnétosphère cérébrale n’a donc pas besoin de support consistant pour fixer les souvenirs, puisqu’elle est produite et réorganisée en permanence par les circuits de Papez, et nous verrons qu’elle n’est probablement pas détruite à ce moment crucial, mais transférée dans la magnétosphère terrestre qui serait sa destination ultime. La fonction impartie par l’évolution à la mémoire humaine ne serait donc pas, en toute logique, de perdre les informations accumulées pendant toute une vie, mais de les transférer à une échelle supérieure dans la magnétosphère terrestre, qui comme la magnétosphère cérébrale est produite en permanence par le noyau en fer de la Terre (sans risque de coupure d’alimentation non plus), où elles seraient collationnées avec toutes celles provenant des autres magnétosphères cérébrales à l’occasion de chaque décès humain. Au final, tout se passe donc comme si seule la mémoire procédurale (les logiciels) était réellement fixée (installée) sur les réseaux neuronaux (disque dur interne), tandis que la mémoire déclarative serait seulement retenue dans le filet (les lignes de force) de la magnétosphère externe, avant d’être transférée un jour sur la magnétosphère terrestre. L’astuce adoptée par la nature pour réaliser ce type de symbiose serait le transfert de l’information d’un support à l’autre au moment de la destruction du premier (et nécessitant la destruction du premier !), imposant la solution d’un support générant et souple plutôt qu’un support fixant, rigide et statique, intransférable et n’échappant pas lui-même à la destruction.

Un autre problème est celui des limites de cette aire de stockage, la magnétosphère cérébrale n’ayant pas de magnétopause (limite supérieure de la magnétosphère terrestre) puisqu’elle n’est pas soumise à la pression dynamique du plasma solaire (vent solaire). Mais elle dispose probablement d’une magnétosphère interne où le champ magnétique reste sensiblement dipolaire, avec des lignes de force fermées, que l’on peut estimer par analogie avec la magnétosphère terrestre à six rayons cérébraux, c’est-à-dire à six fois la largeur d’un hémisphère cérébral en coupe vertico-frontale. Cependant, il ne s’agit pas de limites infranchissables comme celles du corps et l’interpénétration avec d’autres magnétosphères cérébrales voisines est possible, voire fréquente, ce qui pose le problème de l’identification et de la relecture spécifique des souvenirs propres à chaque individu par les circuits de Papez. On peut alors penser que les caractéristiques de l’empreinte magnétique de chaque individu sont uniques, comme l’empreinte digitale ou l’empreinte génétique, et que les hippocampes l’identifient sans risque d’erreur et ne peuvent accéder qu’à elle seule. Il semble que dans un cas de figure pathologique seulement, une erreur puisse se glisser dans la reconnaissance des souvenirs personnels et permettre éventuellement l’accès à une empreinte magnétique étrangère : il s’agit de la crise d’épilepsie temporale et notamment de la corne d’Ammon (syn. d’hippocampe), qui entraîne des illusions de ressouvenance, un sentiment étrange de familiarité, des impressions de “déjà vu” ou de “déjà vécu”. Dans notre interprétation, ces paramnésies (Lazorthes 1982) pourraient être dues à l’intrusion partielle de souvenirs étrangers dans la conscience du sujet, faussement identifiés par la tête de lecture limbique à l’occasion de la crise. Cet emprunt pathologique serait permis par l’orage magnétique déclenché par la crise d’épilepsie (décharge paroxystique et hypersynchrone d’une population de neurones temporaux) et par la désorganisation temporaire des moyens de reconnaissance et de lecture de l’empreinte spécifique du sujet.

Nous verrons dans la deuxième partie de cet article comment ces notions complexes de psychophysiologie cérébrale, qui ont pu vous paraître fastidieuses, constituent une base indispensable à l’étude des NDE (« near death experiences », que l’on peut traduire par expériences de mort imminente). Le devenir de la conscience à l’approche de la mort sera analysé à la lumière d’un mécanisme de mort cérébrale au ralenti, celui de la maladie d’Alzheimer, et des propriétés particulières de la magnétosphère cérébrale lorsqu’elle est placée dans des conditions pathologiques (démence dégénérative ou agonie brutale du cerveau). Ces propriétés particulières découlent de ses propriétés physiologiques, qui seules permettent d’expliquer le fonctionnement corporel, voire extracorporel, de la magnétosphère cérébrale au moment de la faillite du corps.

RÉFÉRENCES • Méric J.-B., Du principe anthropique à l’Homme : Introduction à la psychiatrie fractale, 2e éd, 1999. • Lounasmaa O.V. et Hari R., Le magnétisme du cerveau, La Recherche, 1990 ; 223 : 874-881. • De Frahan H. et Oosterveld W.-J., Appareil vestibulaire et cellule ciliée, Impact Médecin, 1991 ; 95 : 42-43. • Lazorthes G., Le cerveau et l’esprit : complexité et malléabilité, Flammarion, Paris, 1982. • Penfield W., The mistery of the mind, Princeton University Press, 1975. • Laget P., Biologie et physiologie des éléments nerveux, Masson, Paris, 1974.

RESUME

J’explique dans la première partie de ce long article la notion de magnétosphère cérébrale et ses implications dans la physiologie de l’orientation dans l’espace et de la mémoire. Ces notions complexes de psychophysiologie cérébrale, qui peuvent paraître fastidieuses, constituent une base indispensable à l’étude des expériences de mort imminente et du devenir de la conscience à l’approche de la mort, voire au-delà de la mort.

MOTS-CLES : Circuits de Papez - magnétosphère cérébrale - orientation dans l’espace - mémoire - loi de Ribot

Deuxième partie

RAPPEL : J’ai expliqué dans la première partie de ce long article la notion de magnétosphère cérébrale et ses implications dans la physiologie de l’orientation dans l’espace et de la mémoire. Nous allons voir ici comment elle peut jeter un éclairage puissant sur deux types d’agonie cérébrale : celle de la maladie d’Alzheimer et celle des expériences de mort imminente, l’une servant de modèle au ralenti et plus facilement décomposable de l’autre.

Dans mon dernier ouvrage (Méric 1999), j’expliquais comment la conscience réflexive est liée à trois miroirs qui réfléchissent chacun une image de nous-mêmes :
- le miroir du présent, c’est-à-dire le miroir proprement dit qui réfléchit une image de soi (qui permet de se voir), que nous sommes seuls dans le monde animal à reconnaître (dès l’âge de 18 mois), alors que le chimpanzé cherche avec sa main derrière le miroir le congénère qu’il croit y percevoir ;
- le miroir du futur, c’est-à-dire l’anticipation qui permet de se projeter dans l’avenir (de se pré-voir) ;
- le miroir du passé enfin et surtout, c’est-à-dire la mémoire autobiographique qui permet de se re-voir et qui, à travers une histoire personnelle, nous donne un sentiment d’identité et le caractère de continuité de notre existence.

Je ne faisais en cela que reformuler les idées philosophiques développées par Bergson dans L’énergie spirituelle : “la vie s’emploie dès le début à conserver le passé et à anticiper sur l’avenir dans une durée ou ´passé, présent et avenir empiètent l’un sur l’autre et forment une continuité indivisée : cette mémoire et cette anticipation sont, comme nous l’avons vu, la conscience même”.

La conscience de soi est donc intimement liée à la mémoire autobiographique dont, d’une part, je propose une forme de stockage inédite dans une magnétosphère cérébrale générée par les circuits de Papez assimilés à une sorte d’électro-aimant naturel (théorie de la mémoire délocalisée ou extérieure au cerveau, ou théorie de la mémoire magnétique) et qui, d’autre part, est la première fonction cérébrale touchée dans la maladie d’Alzheimer (parallèlement à la dégénérescence des circuits de Papez) sous forme d’une amnésie antéro-rétrograde obéissant à la loi de Ribot : amnésie de fixation (oubli à mesure) + effacement des souvenirs évocables d’avant en arrière (en remontant la flèche du temps).

Or, l’allongement de l’espérance moyenne de vie offre aujourd’hui aux médecins l’opportunité d’observer de plus en plus de tableaux cliniques de démence dégénérative ou maladie d’Alzheimer. C’est une réelle opportunité, car il pourrait s’agir d’un modèle de mort cérébrale au ralenti (perte progressive de la mémoire et de la conscience qui y est attachée) que la nature serait contrainte de nous révéler, grâce aux progrès thérapeutiques réalisés dans d’autres domaines de la santé. En effet, autrefois, on mourrait d’autre chose, bien avant d’avoir eu le temps de développer une démence sénile et encore moins de la mener jusqu’à son terme.

Cette théorie de la magnétosphère cérébrale (support non périssable, car de nature magnétique et transférable sur la magnétosphère terrestre, du couple mémoire-conscience), dont la particularité serait de se détacher des hippocampes(1) au moment de la mort cérébrale et d’y acquérir alors une transparence et une perméabilité aux magnétosphères cérébrales de nos congénères (l’empathie de Kenneth Ring) qu’elle n’a pas de notre vivant (code d’accès hippocampique individuel pour accéder à notre propre piste magnétique sans accéder à celles des autres, malgré l’extériorité de la magnétosphère cérébrale), me permet d’expliquer des phénomènes importants de la chronologie des NDE sans faire appel à des notions encore plus exotiques et invérifiables(2) de “psychomatière” comme Emmanuel Ransford (qu’on retrouve d’ailleurs chez Teilhard de Chardin) ou de “cinquième dimension” comme mon ami et confrère Jean-Pierre Jourdan.

Dans cette hypothèse donc, la lente amnésie rétrograde soumise à la loi de Ribot, c’est-à-dire la relecture à l’envers (du présent vers le passé) et l’évocation spontanée des souvenirs anciens, jusqu’aux souvenirs d’enfance, deviendrait l’équivalent au ralenti de la vision panoramique de l’existence, phénomène ultra-rapide décrit(3) par le psychiatre américain Raymond Moody (Moody 1977) dans les expériences de mort imminente (ou NDE, pour Near Death Experience), c’est-à-dire par exemple dans les états de mort clinique réanimés avec succès. On retrouve la description d’un tel phénomène dans une oeuvre du septième art : Les choses de la vie, de Claude Sautet (1970). On peut alors imaginer que dans la mort comme dans la démence, mais à des vitesses bien entendu très différentes, la magnétosphère cérébrale, c’est-à-dire l’empreinte magnétique où sont fixés tous les souvenirs d’une vie, repasse à l’envers (de la gauche vers la droite) à travers les circuits de Papez dont les hippocampes, leur structure fondamentale, résistent les derniers à l’anoxie au milieu d’un cerveau qui agonise (Petito 1987). La maladie d’Alzheimer pourrait ainsi constituer le modèle décomposé et facilement analysable des NDE et être désignée comme une expérience de mort différée (ou FDE, pour Far Death Experience), sans rescapé cette fois-ci, pour souligner la lenteur du processus qui mène ici à la mort cérébrale tout en respectant des étapes identiques. Le phénomène décrit par Moody, que l’on peut interpréter comme un défilement instantané de la mémoire magnétique au seuil de la mort, ou rembobinage terminal, serait donc l’expression sur le cerveau sain de la loi de Ribot, qui prendrait de ce fait le statut de loi physiologique (et pas seulement pathologique). Les souvenirs du mourant et la conscience qui les accompagne échapperaient ainsi au naufrage du corps et se détacheraient définitivement après avoir “rompu les amarres” avec les hippocampes (peut-être 2 à 3 jours après la mort, vu la résistance exceptionnelle des hippocampes à l’anoxie (4)), c’est-à-dire une fois la mort somatique consommée. On ne peut s’empêcher de faire la comparaison avec les Parques de la mythologie romaine qui elles aussi, en trois temps, déroulaient la vie et la mort d’un individu :
- Clotho filait les évènements de la vie (temps physiologique de la mémorisation),
- Lachésis dévidait ensuite l’écheveau patiemment créé (amnésie rétrograde ou vision panoramique),
- Atropos enfin tranchait avec ses fatals ciseaux le fil de l’existence (rupture hippocampique).
On retrouve encore cette image du « fil » plus tard dans l’Ecclésiaste (12 7,8) :
« Avant que lâche le fil d’argent (…)
et que la poussière retourne à la terre comme elle en est venue
et le souffle à Dieu qui l’a donné.
Vanité des vanités, dit Qohélet, tout est vanité. »

Autre phénomène rapporté par Moody au cours des NDE, les témoignages de décorporation : “à cet instant, il (le mourant) peut fort bien se retrouver en train de contempler son propre corps vu de l’extérieur”. Cette hallucination autoscopique apparemment très fréquente dans ce contexte, et même stéréoscopique puisque le témoin rapporte des détails de la scène de réanimation vus sous tous les angles, pourrait s’expliquer d’abord par le fait que la magnétosphère cérébrale est alors détachée des hippocampes (ou retenue par un fil : on devrait plutôt dire un “cordon”, par référence à la castration hippocampique), donc éloignée du corps, ensuite et surtout par la transparence dans cette configuration extra-corporelle et pré-léthale des magnétosphères des participants actifs à cette scène (ce qui permettrait au témoin de “pirater” leurs perceptions visuelles en stéréo et de les mémoriser directement). L’expérienceur ne voit pas alors par ses yeux (il est privé de vue par son état de mort clinique), il voit en réalité par les yeux des autres ! Ce qui expliquerait aussi que des expérienceurs aveugles de naissance aient rapporté des témoignages visuels de leur réanimation : ce sont les images vues par les réanimateurs auxquelles ils ont eu accès et qu’ils ont pu mémoriser, directement de magnétosphère à magnétosphère, voire directement dans les circuits de Papez de ces derniers au stade électro-physiologique de la mémoire à court terme (empan visuel). Quant à l’impression de légèreté et de flottaison ressentie par les témoins, ce serait plutôt une impression inhabituelle de non pesanteur (la magnétosphère cérébrale déconnectée du cerveau n’enregistre plus de sensation de pesanteur), comme celle qui précède un banal évanouissement ou celle ressentie au bord d’un gouffre, notamment par les sujets souffrant de phobie du vide. Dans ce cas, la sensation de flottement est due à la perte de deux sur trois des systèmes responsables de l’équilibre : les repères visuels proches et, surtout en cas de panique, les sensations proprioceptives des membres inférieurs qui ne sont plus analysées par le cerveau pour être confrontées aux données des canaux semi-circulaires de l’oreille interne. En résulte même parfois une attirance vers le vide avec conflit entre la sensation intuitive de pouvoir flotter et la raison, qui prévoit la probabilité d’une chute (éventuellement mortelle) due à la gravité.

La mort ne serait donc pas sans rappeler la naissance, que le foetus vit certainement plus comme un traumatisme que comme un heureux événement et où lui aussi, croyant “mourir”, se débarrasse en fait d’une enveloppe charnelle (celle de sa mère). La différence est que le nouveau-né éprouve subitement des besoins qu’il ne connaissait pas dans le corps de sa mère (respirer, s’alimenter, se réchauffer, combattre la pesanteur), alors que le nouveau-mort est débarrassé de ces contingences angoissantes et retrouve un état physiquement foetal, qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui illustré par la position en “chien de fusil” (position foetale) des déments en phase terminale. Françoise Dolto (Dolto 1984) nous parle de “castration ombilicale” pour décrire le traumatisme de la naissance (décrit primitivement par Otto Rank en 1924), nous pourrions parler de “castration hippocampique” pour décrire le traumatisme de la mort. En effet, les hippocampes jouent pendant la vie le rôle de l’ombilic chez le foetus, en alimentant la magnétosphère cérébrale avec les images, les sons et autres sensations, les idées et les émotions qui constituent les souvenirs du couple mémoire-conscience, qui seul devrait survivre à notre corps physique. Finalement, la mort peut être comparée à une nouvelle naissance(5), aussi traumatisante que la première. Elle a aussi ses prématurés (morts jeunes), ses accouchements longs et difficiles (cancers généralisés, démence sénile), ses césariennes (suicides), ses péridurales (soins palliatifs), elle est parfois facile et naturelle.

Le devenir de la magnétosphère cérébrale est bien entendu dans la magnétosphère terrestre, où elle rejoindra toutes celles, innombrables, qui l’ont précédée. Attiré comme un aimant par l’immense magnétosphère terrestre, le couple mémoire-conscience de l’être humain rejoint après la castration hippocampique ce qui apparaît comme la mémoire collective de tous les êtres(6) ayant vécu sur Terre depuis l’apparition de l’archicortex hippocampique dans la phylogenèse de l’encéphale. Mémoire collective et non plus individuelle, puisque l’empreinte magnétique de la mémoire n’a plus besoin d’être reconnue par les hippocampes pour accéder à la conscience. Il n’existe donc plus de barrière d’identification entre sa mémoire personnelle et celle de son prochain. D’où le sentiment d’omniscience ressenti par les « expérienceurs » lorsque leur NDE les mène aux portes de la magnétosphère terrestre, là où sont collectés tous les souvenirs de la Terre et partant toutes les connaissances accumulées depuis les débuts de la vie consciente, notamment par l’espèce humaine. Sont ainsi réunis et expliqués à travers la notion de magnétosphère cérébrale trois stades importants de la chronologie des NDE : la vision panoramique, la décorporation et l’omniscience. Le stade du tunnel, qui s’intercale entre les deux derniers, doit correspondre au phénomène d’aspiration de la magnétosphère cérébrale par la magnétosphère terrestre qui l’attire en son sein, en étirant le cordon qui la relie aux hippocampes avant de le rompre. La puissante lumière qui règne au bout de ce tunnel correspond au rayonnement électromagnétique émis par la Terre, dont l’aurore boréale est la seule manifestation visible qu’il nous soit donné de contempler de notre vivant. Tous ces stades sont réversibles, nous l’avons vu, grâce aux progrès de la réanimation médicale et notamment cardiovasculaire.

Mémoire collective de la Terre, puisque la somme de ces innombrables témoignages individuels qu’elle recueille dans sa magnétosphère permet à la planète de se “voir” depuis environ l’ère secondaire, et même de se voir de mieux en mieux grâce à la technologie humaine : “Grâce à nous elle (Gaïa) est désormais éveillée et consciente d’elle-même. Elle a vu le reflet de son beau visage à travers les yeux des astronautes et des caméras de télévision des vaisseaux spatiaux en orbite. Il ne fait aucun doute qu’elle partage nos sensations d’émerveillement et de plaisir, notre capacité à penser et à spéculer de manière consciente et notre curiosité insatiable.” Nous partageons entièrement cette analyse de James Lovelock (Lovelock 1993), nous ajouterons simplement : des astronautes “morts”. Car c’est justement là que réside la fonction de la mort ! La Terre nous fait naître d’abord pour enregistrer des informations sur elle-même dans notre mémoire magnétique, puis elle nous fait mourir pour récupérer ces informations. Notre vie et l’évolution qui a mené jusqu’à l’Homme, et même la relation fractale qui semble exister entre l’évolution géologique et l’évolution biologique, prennent alors tout leur sens. Rien n’est inutile, tout concourt à un but unique, qui nous est masqué par l’irréversibilité de la mort. Une fois morts et brusquement conscients du sens de notre vie, nous ne pouvons revenir en arrière pour en informer les vivants. Mais nous avons tout de même vu qu’un nombre considérable d’indices, révélés par l’état d’avancement des diverses disciplines scientifiques, permet de reconstituer peu à peu le dessein qui sous-tend notre existence.

La mort est tellement importante pour la nature qu’elle en a d’ailleurs verrouillé le mécanisme principal, celui des télomères à l’extrémité des chromosomes. L’introduction des télomérases, qui rétablit l’intégrité des télomères et donc évite les erreurs de transcription de l’ADN chromosomal lors des divisions cellulaires (responsables de la limite de Hayflick(7) et de la sénescence), rend bien les cellules immortelles (dont le prototype est malheureusement la cellule cancéreuse, cellule éternellement jeune et immature qui se divise indéfiniment jusqu’à étouffer l’organisme qui la porte) mais semble par conséquent favoriser l’apparition de cancers. Le gain de vie peut ainsi se révéler rapidement fatal pour l’individu qui en bénéficierait et annihiler à terme toute tentative de suppression de la mort. Le verrou paraît donc bien efficace et n’est pas prêt d’être violé : les télomères vieillissent et la télomérase cancérise ! De même pour le gène p53, dit suppresseur de tumeur, qui lorsqu’il est absent s’accompagne d’une mort prématurée par cancer mais qui, lorsqu’il est surexprimé, s’accompagne de signes de vieillissement accéléré et d’une longévité réduite. Quand bien même, resteraient encore au service de la Terre toute une panoplie de causes de décès : les maladies cardio-vasculaires, les accidents du travail et de la circulation (80 000 morts dans les accidents de la route en France en 10 ans), les incendies, les catastrophes naturelles, les suicides, les homicides, les génocides, les attentats, la guerre, les toxicomanies, le SIDA (36000 morts dans la même décade)...

La mémoire de la Terre, c’est-à-dire la somme des mémoires des êtres morts qui l’ont peuplée dans le passé, s’accompagne bien sûr d’une conscience de la Terre qui est aussi la conscience collective de la biosphère évoluée ayant vécu à sa surface. En fait, la mort peut être conçue comme un transfert d’informations de la biosphère à la magnétosphère, indispensable à l’établissement d’une conscience planétaire, qui évolue elle-même au rythme de l’évolution de la biosphère. Dans son De Magnete publié en 1600, William Gilbert, médecin de la reine Elisabeth I d’Angleterre, expliquait déjà dans une formule délicieusement intuitive que le magnétisme révélé par la boussole est “l’esprit de la Terre” ! Pierre Teilhard de Chardin (Teilhard 1955), parle lui aussi de “l’Esprit de la Terre” et sa noosphère ressemble sur bien des points à notre conception de la magnétosphère, la seule des sphères terrestres qu’il n’ait d’ailleurs pas mentionnée dans son oeuvre. Il situe la noosphère “hors et au-dessus” de la biosphère et la définit comme “une collectivité harmonisée des consciences, équivalente à une sorte de super-conscience”. La noosphère s’intègre donc très bien dans notre conception élargie de la magnétosphère terrestre, dès lors que l’on a établi le lien entre l’activité magnétique du cerveau humain et la Terre à la surface de laquelle il s’est développé, et que l’on a deviné l’existence (invisible par des procédés directs) d’une magnétosphère cérébrale non dégradable et détachable du cerveau organique.

En échange de la collectivisation de nos mémoires et de nos consciences, la Terre nous offrirait l’immortalité magnétique, c’est-à-dire la pérennisation du souvenir de ce que nous avons vécu dans notre vie corporelle pendant les 5 milliards d’années à venir, jusqu’à ce que le Soleil devienne une géante rouge et volatilise son cortège planétaire (Luminet 1997, Reeves 1988, Cassé 2000), ce qui représente tout de même l’éternité à l’échelle d’une vie humaine. Cependant, la luminosité solaire qui a déjà augmenté de 30 % en 4,6 milliards d’années, depuis la naissance du soleil à partir d’un nuage interstellaire (nébuleuse protosolaire), augmentera encore linéairement de 10 % au cours du prochain milliard d’années. Dans deux milliards d’années, bien que le soleil sera toujours dans sa “séquence principale” de combustion, l’augmentation de la température sera telle que les océans seront portés à ébullition et que la Terre ressemblera à Vénus : l’Homme sera donc mort ou envolé, bien avant que le soleil ne vire au rouge ! Ne pouvant plus fixer de nouveaux souvenirs dans la mémoire collective, la Terre entrera alors dans une phase de sénescence jusqu’à sa mort définitive.

En nous offrant l’immortalité magnétique, la Terre nous offre aussi l’accès immédiat à tous les secrets du passé de la Terre et de ses habitants, ce qui devrait satisfaire la curiosité des plus insatiables, et surtout le reportage quasiment en direct de la suite de l’histoire de l’humanité, au fur et à mesure des décès de ceux qui la vivent ou qui la font. Cette conscience planétaire pourrait se doubler aussi, pour peu que la galaxie présente d’autres planètes habitées, d’une conscience galactique en réseau et pourquoi pas, si d’autres galaxies ou amas galactiques abritaient la vie, d’une conscience universelle.

Ainsi, nous ne sommes plus “des artifices inventés par les gènes pour se reproduire” comme le prétendent froidement les néodarwiniens (Dawkins 1980), mais nous sommes là, chacun pour sa part et à son niveau, pour donner une mémoire et une conscience à la Terre qui nous a produit et nous fera mourir, et notre brève existence prend enfin le sens logique que notre intelligence et notre curiosité, parfois teintées d’angoisse, nous poussaient à rechercher.

NOTES

1 - Les circuits de Papez sont les circuits hippocampo-mamillo-thalamo-cingulaires.
2 - Ma théorie de la magnétosphère cérébrale est ou sera vérifiable expérimentalement grâce aux développements de la magnétoencéphalographie.
3 - Décrit aussi par le 7e art dans le film de Claude Sautet (Les choses de la vie, 1969) où Michel Piccoli revoit défiler devant lui sa vie entière à l’occasion d’un accident de voiture, qui inaugure le film.
4 – Les musulmans croient que l’âme se détache du corps quarante jours après la mort. La réalité physiologique ne serait pas aussi longue, mais le principe reste le même (détachement différé).
5 - Ce qui n’est pas sans rappeler la réponse de Jésus au Pharisien Nicodème (Jn 3 3-7) :
“En vérité, en vérité, je te le dis,
à moins de naître à nouveau,
nul ne peut voir le Royaume de Dieu.” (la vie éternelle)

“Nicodème lui dit : “Comment un homme peut-il naître, étant vieux ? Peut-il une seconde
fois entrer dans le sein de sa mère et naître ?” Jésus répondit :

“En vérité, en vérité, je te le dis,
à moins de naître d’eau et d’Esprit,
nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu.
Ce qui est né de la chair est chair,
ce qui est né de l’Esprit est esprit.
Ne t’étonne pas si je t’ai dit :
Il vous faut naître à nouveau.”

6 - Ce qui donnerait un début d’explication à Elohim, l’intriguant pluriel utilisé pour désigner Dieu dans la Bible.
7 - Limite de Hayflick : nombre maximum de divisions cellulaires, in vivo et in vitro, en rapport avec l’usure des télomères (extrémités des chromosomes) dans les lignées cellulaires somatiques, à l’exclusion des cellules sexuelles et des cellules cancéreuses (dites immortelles).

RÉFÉRENCES • Méric J.-B., Du principe anthropique à l’Homme : Introduction à la psychiatrie fractale, 2e éd, 1999. • Moody R., La vie après la vie, Robert Laffont, 1977. • Petito C.K., Feldmann E., Pulsinelli W.A.et Plum F., “Delayed hippocampal damage in humans following cardiorespiratory arrest”, Neurology, 1987 ; 37 : 1281-1286. • Dolto F., L’image inconsciente du corps, Seuil, 1984. • Lovelock J., La Terre est un être vivant : L’hypothèse Gaïa, Flammarion, 1993. • Teilhard de Chardin P., Le phénomène humain, Seuil, 1955. • Luminet J.-P., Du Big Bang à demain, Somogy, 1997, 229-231 Reeves H., Patience dans l’azur : L’évolution cosmique, Seuil, 1988. • Cassé M., Généalogie de la matière : Retour aux sources célestes des éléments, Odile Jacob, 2000. • Dawkins R., Le gène égoïste, Marabout université, 1980.

RESUME

Nous voyons dans la deuxième partie de cet article les rapports étroits entre la mémoire autobiographique et la conscience de soi, et comment la notion de magnétosphère cérébrale peut jeter un éclairage puissant sur deux types d’agonie cérébrale : celle de la maladie d’Alzheimer et celle des expériences de mort imminente, l’une servant de modèle au ralenti et plus facilement décomposable de l’autre. La mort est ainsi comparée à une nouvelle naissance, par un transfert du panorama magnétique de notre existence dans la magnétosphère terrestre, qui contiendrait le sens caché de la vie et de son évolution sur Terre.

MOTS-CLES : Conscience de soi - mémoire autobiographique - magnétosphère cérébrale - maladie d’Alzheimer - NDE - castration hippocampique

Du principe anthropique à l'homme

Jean Bruno MÉRIC